Du moins, c'est ce que laisse craindre l'annonce faire à JBoss World, Berlin : voir http://www.wcm.bull.com/internet/pr... , ou http://www.jboss.com/events/jbw_ber... .

A relativiser tout de même : le retentissement d'une telle annonce devrait être proche de celui de l'adoption d'un amendement à la constitution du Béloutchistan. Mais tout de même, l'annonce mérite le détour.

Pour ceux qui n'ont pas suivi le début du film, JOnAS est un serveur d'application JavaEE open-source (et certifié par Sun), pour l'essentiel développé par Bull, et hébergé par le consortium ObjectWeb. JOnAS fut même le serveur d'application de RedHat (avant le rachat de JBoss), et se place en seconde position sur le marché des serveurs d'application open-source, très loin derrière JBoss, mais avec une excellente image technique et quelques très grands déploiements dans le monde. Voilà pour le résumé de la saison 1 ...

Passons maintenant à l'annonce proprement dite, et décortiquons-en quelques aspects croustillants :

1) Bull annonce, grosso modo, qu'il va proposer du service sur JBoss. Tout le monde sait bien que c'est déjà le cas, la division Bull Services étant parfaitement agnostique en ce qui concerne les serveurs d'application (En dehors de JOnAS, Bull avait par exemple, dans un passé proche, conclu un partenariat avec BEA - et dispose également de belles références JBoss).
Il s'agit donc d'un non-message, ce qui n'est pas bien grave en soi (cf. la remarque ci-dessus sur la constitution du Béloutchistan - tout le monde s'en fiche, donc pas de dégâts).

2) L'annonce de Bull laisse planer le doute sur la continuation de JOnAS, concurrent direct de JBoss - de fait, il n'en est pas question dans l'annonce, et Bull réaffirme même son implication dans le consortium ObjectWeb, sans plus de détails.
Là, on est dans le domaine du contre-message : seuls les clients de Bull utilisateurs de JOnAS devraient le percevoir (le monde extérieur y étant imperméable), et le ressentir comme un signal négatif.
Donc, Bull adresse un message à ses clients qui provoque leur défiance, sans effet sur d'éventuels nouveaux clients... Etrange fait de marketing !

3) Ce qui est plus amusant, c'est que Bull annonce une coopération R&D avec JBoss : indépendamment du fait que l'on peut se demander qui va l'assurer (la démotivation interne des développeurs de JOnAS étant quasiment acquise dans une telle situation), cette coopération implique la fourniture par Bull à RedHat d'un module BPEL. Espérons qu'il y a une vraie contrepartie, faute de quoi Bull braderait quelque peu les bijoux de famille, et RedHat se trouverait comme par magie remis à niveau sur l'un de ses points faibles, le Business Process, sans bourse délier (attitude somme toute habituelle dans le business model de RedHat, depuis l'intégration de Linux !).

4) Autre point d'achoppement : le consortium ObjectWeb, en pleine crise de croissance, pourrait voir son avenir plombé par la chute de JOnAS; de toute évidence, cette éventualité ne joue pas non plus en faveur de Bull, ObjectWeb étant un fer de lance de son image de marque dans l'open-source !

5) Enfin, je ne peux que vous enjoindre à lire le communiqué de M. Barbéris, de chez Bull, à la fin de l'annonce : certes, M. Houellebecq a fait mieux en termes de novlangue informatique, dans l'introduction d' "extension du domaine de la lutte", mais avec un court avantage... Quant à M. Fleury, de chez RedHat, son allocution masque avec peine l'éclat de rire moqueur qu'il adresse au lecteur, du haut de son tas de dollars : Echec et Mat...

Pour résumer, donc, Bull fait un gros cadeau à RedHat tout en dissuadant ses clients et en démotivant ses équipes, et met en péril la stabilité d'ObjectWeb,le tout en un seul mouvement. Espérons au moins que les instigateurs de cette brillante tactique sont payés cher... ou qu'ils le sont par RedHat !