Flash-back sur la crise des années 90 : ou comment démentir la croyance selon laquelle "l'histoire ne repasse jamais les plats" (les citations sont tirées des archives du journal Le Monde).

Donc, au départ, tout va bien : Le prix moyen des logements neufs et anciens à Paris a été multiplié par trois en dix ans (15/2/89), ou encore Acheté par un promoteur 650 francs en 1985, le mètre carré de cette colline niçoise s'est vendu il y a quelques semaines 4 500 francs. Sept fois plus cher qu'il y a cinq ans. (16/5/90).

Le bon vieux mythe des Anglais bat déjà son plein : Les Britanniques débarquent en Bretagne. Quelques vieilles pierres dans un hameau perdu,la campagne à perte de vue : c'est le nouveau rêve de l'autre côté de la Manche (4/4/90).

Le 4 Avril 90, malgré quelques craintes émergentes, l'euphorie domine : Les professionnels attendaient une pause, ce fut l'apothéose. Les prix flambent.

Même les Espagnols jouent leur partition classique : " Buscar piso " ( " chercher un appartement ") : cette expression mille fois répétée est devenue, pour des milliers de jeunes couples madrilènes, le symbole d'un interminable cauchemar. L'extraordinaire boom immobilier qu'a connu durant ces dernières années la capitale espagnole l'a en effet rendue véritablement inaccessible pour nombre de ceux qui rêvent d'y bâtir un foyer. (27/10/90).

Parfois, tout de même, un éclair de lucidité : Les ventes ont baissé en 1990 et les professionnels s'inquiètent des perspectives pour 1991 . Une chute qui met en évidence la fragilité du secteur après les années d'euphorie. Après les années fastes, voici venu le temps de l'incertitude. (10/4/91).

Il faut dire qu'il s'en passe de belles, en 90 : on prend de plein fouet la faillite des "Saving and Loans" (c'est comme çà qu'on disait "subprime" dans la langue de 90), qui met en faillite nombre d'établissements financiers, d'abord américains (particulièrement les caisses d'épargne) : La faillite des " Saving and Loans " Les caisses d'épargne américaines pourraient être adossées à des banques (18/4/90).
Car çà va coûter cher : M. William Seidman, président de la Resolution Trust Corporation (RTC), organisme chargé de l'assainissement des caisses d'épargne américaines en difficulté, a estimé, lundi 30 juillet, que le sauvetage de ces institutions coûterait plus de 500 milliards de dollars. (1/8/90), ou encore, Le Congrès américain devrait se voir demander dans les prochains jours une rallonge de 80 milliards de dollars (...) aux 85 milliards déjà dépensés pour financer le plan de sauvetage des caisses d'épargne. (23/6/91).

Mais bon, on a un peu exagéré, en procédant à la "titrisation" de créances (çà ne vous dit rien, çà, la titrisation ?); dans les premiers rôles, l'inoxydable Bear Stearns (associé à l'époque au Crédit Lyonnais) : Le Crédit lyonnais et la banque américaine d'investissements et de placements Bear Stearns (...) ont signé un accord pour le développement du marché français de la titrisation des créances (24/6/91).
Tout le monde s'y met : La Compagnie Bancaire lance sa première opération de titrisation (7/6/90).
Il faut dire que c'est pratique; vous savez, le fameux "hors bilan" :
Le Crédit lyonnais lance sa deuxième opération de titrisation de crédits personnels. Celle-ci permet à l'établissement de sortir de son bilan 70 000 prêts accordés à ses clients et de les céder à un fonds commun de créances (10/4/91).

Donc, on se plante... au point d'atteindre une forme de "point Godwin", en allant jusquà comparer la situation au "Vietnam" : les caisses d'épargne américaines ont perdu plus de 40 milliards de dollars. Une catastrophe financière plus importante que celle des banques durant la grande crise, et qui coûtera au contribuable américain autant que la guerre du Vietnam. (14/7/92).

Qu'à celà ne tienne, on va moraliser le capitalisme financier : Alors que la situation des banques américaines ne cesse de se dégrader, l'administration Bush prépare une réforme en profondeur du cadre législatif qui a régi les métiers de la finance (...) depuis la grande crise de 1930. (12/12/90)
Ou encore, " Un système bancaire fondamentalement sain, ouvert à d'autres activités, à l'image de nos concurrents étrangers, et constituant un élément vital pour que s'ouvre à l'économie américaine une nouvelle ère de prospérité ", c'est ainsi que le président George Bush a défini (...) l'objectif des importantes mesures annoncées la veille par le Trésor pour accroître la compétitivité des banques américaines. (8/2/91)

Mais, las, dès le 11/9/91, on titre en France : Gonflement des stocks, allongement des délais de vente, baisse des prix La crise de l'immobilier parisien semble s'aggraver.
En Angleterre, c'est déjà pire : La crise du logement et la récession en Grande-Bretagne Le gouvernement de M. Major est confronté à l'explosion des saisies immobilières (26/12/91).

Il faut dire que la situation reste critique, et partout : en France, Des propositions aux pouvoirs publics Les banques souhaitent de l'aide pour faire face à la crise de l'immobilier (13/12/92). Au Canada, Le groupe Olympia & York, numéro un mondial de l'immobilier, a été placé sous la protection de la loi sur les faillites (16/5/92).
Aux US, on nous ressort la vieille antienne de la crise de 29 : Aux Etats-Unis, l'immobilier connaît sa plus grande crise depuis les années 30 (22/11/92), ou encore, La faillite en chaîne des caisses d'épargne (Savings and Loans) à la fin des années 80 est la catastrophe financière la plus importante que les Etats-Unis ont dû affronter depuis la grande crise de 1929. (10/11/92).

Le contribuable a beau écoper, la brèche semble impossible à colmater : Le sauvetage des caisses d'épargne aux Etats-Unis coûtera, en 1992, 50 à 75 milliards de dollars supplémentaires (...) aux contribuables américains. (13/6/91). Du coup, on nationalise joyeusement : La huitième plus importante caisse d'épargne américaine, la HomeFed Bank de San-Diego (Californie), a été placée sous contrôle fédéral (9/7/92).

Heureusement, en France, on invente des dispositifs fiscaux de relance (le "Scellier" de l'époque ?) : M. Louis Besson, ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer, a annoncé (...) deux mesures fiscales en faveur de la construction de logements locatifs privés. (16/3/91).
Evidemment, c'est un cautère sur une jambe de bois... et la descente se poursuit : La crise du marché immobilier francilien alimente la négociation entre acheteurs et vendeurs, qui baissent leurs prix de 15 % environ, selon la revue De particulier à particulier. (31/5/92).

Pourtant, un peu plus tard, quelques notes d'optimisme se font jour : Après les mesures de soutien prises au printemps par le gouvernement, les avis divergent sur la question de savoir si la reprise interviendra en 1994. (16/10/93).
Ou encore, Le prix du mètre carré dans les logements anciens parisiens a stoppé sa chute : au cours des trois premiers mois, il s'inscrit en hausse de 0,1 % (21/6/94).

Bon, maintenant, on sait ce qui s'est passé après 94. Tiens, justement, la FNAIM vient de nous annoncer un petit rebond printanier, relatif à avril dernier...
Citoyens, aux abris !