Vu ce 11 Août 2010 dans les inénarrables news de boursorama :
"l'AIE estime que la demande mondiale de pétrole devrait augmenter cette année de 1,8 millions de barils par jour (bpj) pour atteindre 86,6 millions de bpj,"
Et encore, dans une autre news, le même jour :
"Total : lancement du développement du projet CLOV en Angola { ... } dans l'offshore profond de l'Angola, visant à mettre en production quatre champs { ... } dont les réserves sont estimées à environ 500 millions de barils d'huile."

Autrement dit, on va creuser des puits douteux au fin fond de l'Atlantique, tout çà pour couvrir au mieux une petite semaine de consommation mondiale. C'est vrai que la perspective de rouler avec ma bagnole une semaine de plus, çà mérite bien d'engluer quelques Angolais dans le mazout, z'avaient qu'à pas habiter à côté de chez Total. Et puis, la perspective d'épuiser 4 plateformes offshore par semaine, çà me donne tout de suite l'impression qu'on est des types importants...

Mais il y a plus drôle, dans le pétrole : par exemple, les "réserves prouvées" (= celles qui ont 90% de chances, à la fois, d'exister et d'être exploitables au coût actuel avec la technologie dont on dispose déjà - c'est la définition officielle).

Ci-dessous, la courbe des "réserves prouvées" de l'OPEP (source : Wikipedia).
Réserves de l'OPEP

On y voit d'abord une espèce de marche d'escalier... apparue le jour où l'OPEP a indexé les quotas de productions de ses membres sur leurs réserves.
"A partir de maintenant, plus tu as de réserves, plus tu peux produire" : du coup, tu refais tes comptes, et tu t'aperçois que tu avais oublié la moitié de ton pétrole. Miracle de la comptabilité au pays du mirage et du tapis volant...
Mention spéciale pour la courbe (ou devrais-je dire la droite ?) de l'Arabie Saoudite : là-bas, ils ont beau pomper, les réserves ne changent pas depuis 20 ans (et ce quand bien même ils n'ont découvert, depuis, aucun gisement majeur).

Toute cette brave rigolade devrait tout de même bientôt prendre fin : en raison d'un certain "pic du pétrole" ("oil peak"), scruté de près par nombre de décideurs industriels et financiers (et que les politiques font largement semblant de ne pas voir venir, ce qui prouve qu'ils en tiennent compte).

Le pic, c'est quoi ?

Tout simplement, on s'est aperçu statistiquement que, lorsqu'on a pompé la moitié de son pétrole, le débit de pompage diminue inexorablement. Le pic, c'est donc l'instant où on aura pompé la moitié du pétrole disponible dans le monde : après, le robinet coulera de moins en moins fort.

Eh oui, camarade : il restera encore autant de pétrole que tout ce qu'on a déjà pompé depuis l'antiquité, sauf qu'il faudra être très patient pour en avoir une goutte (ou alors la payer plus cher que le voisin, ou alors se l'approprier sans lui demander son avis, au voisin, ce qui est prometteur pour la paix mondiale).

Les spécialistes (au rang desquelles la très militante ASPO - Association for Study of Peak Oil and Gas) placent le pic entre 2005 et 2020, sachant qu'il faudra environ 5 ans pour s'apercevoir qu'il est derrière nous (donc, c'est peut-être déjà le cas ?)... et environ 20 ans pour s'adapter quand on décidera que c'est l'heure de se bouger les fesses (donc, on a, au mieux, 10 ans de retard). Voir ci-dessous (source ASPO) :

Le pic, selon l'ASPO

Moralité, cher lecteur : achète donc un gros 4x4, et profites-en pour cramer le maximum de pétrole pendant que tu peux encore t'en payer. Au passage, tu accélèreras la venue du pic, et ce sera bon pour la planète, donc çà fera de toi un précurseur de l'écologie militante... au risque, il est vrai, d'être quelque peu incompris en ces temps de frilosité de la pensée.