Aujourd'hui, petit cours d'économie niveau CM1...

Pour simplifier les calculs, je vais faire quelques hypothèses qui feraient plaisir au MEDEF, à savoir : abolition des charges sociales et autres taxes, et population de consommateurs béatement crétins qui dépensent immédiatement tout ce qu'ils gagnent. Un rêve ultralibéral, n'est-ce-pas, dont certains semblent persuadés que l'avènement résoudrait tous les problèmes. CQFD...

L'économie sera supposée constituée de producteurs et de consommateurs : les producteurs vendent ce qu'ils produisent aux consommateurs, et les consommateurs gagnent de l'argent parce qu'ils travaillent pour les producteurs.

Appelons R le revenu des producteurs, et S ce qu'ils versent aux consommateurs en échange de leur travail (les salaires, par exemple).

A première vue, R = S (du moins, à en croire les hypothèses ci-dessus).

Il est impossible que R soit supérieur à S, puisque les consommateurs n'ont rien de plus : une fois qu'ils ont dépensé S, ils sont complètement rincés...

Autrement dit : même si les coûts de production sont exclusivement salariaux, qu'il n'y a aucune charge ni taxe, et que ces abrutis de consommateurs sont des paniers percés, notre producteur ne gagne RIEN : il verse S, et il gagne R, lequel est dans le meilleur des cas égal à S (et, selon toute vraisemblance, inférieur...)

Ne noyons pas le poisson (façon Keynes) en posant que le revenu est égal à la consommation plus l'investissement (soit R = S + I , I étant l'investissement). Car il faut bien, n'est-ce-pas, que l'argent qui constitue cet "investissement" vienne de quelque part, et on ne voit pas bien d'où, si ce n'est de revenus provenant de la vente d'une production (ce qui nous ramène au problème précédent).

Alors, comment se fait-il que çà marche ? Eh bien, pour de multiples raisons, dont voici quelques unes (qui se cotoient toutes, dans le monde actuel, à divers degrés) :

- Le crédit. Il suffit qu'on fabrique à tire-larigot la monnaie qui manque, et qu'on la prête un peu à tout le monde, en se disant qu'on se remboursera sur les profits de demain (voire aux calendes grecques, comme leur nom le suggère, les Grecs s'étant récemment faits champions de la spécialité).
Très efficace, aussi longtemps que tout le monde croit au système comme la chrétienté au petit Jésus. Il est évident que la masse des dettes est alors supérieure à la totalité de la masse monétaire, ce qui équivaut à dire que le patrimoine net de l'humanité est négatif : pas très grave, celui de mon voisin de palier, fier propriétaire de son appartement (et conséquemment locataire de sa banque), est lui aussi négatif (surtout depuis que l'immobilier baisse), et l'homme se porte bien.

- L'inégalité. Par exemple, si la balance commerciale est positive (le pays exporte plus qu'il n'importe), on exporte aussi nos problèmes : comme le fric rentre chez nous, c'est les autres qui ont un problème (puisque de chez eux, il sort), mais on s'en tape, c'est la croissance, youpi.

- La crise. Si je fais faillite, je ne rembourse pas mes dettes, et on remet quelques compteurs à zéro (si les grecs font défaut, "la Grèce ne coulera pas tout de suite au fond de la mer Egée", dit-on : cf. l'emprunt Russe, pour ceux qui douteraient). Donc, des successions de créations et de destructions monétaires, lesquelles créent les disparités nécessaires à des écoulements d'argent d'un lieu vers un autre, et réciproquement...

- L'échange hors économie du profit : comme, par exemple, le troc, entre autres systèmes mutualistes. Là, je récupère l'équivalent de ce que je donne, et on se débrouille à ce que tout le monde soit globalement nourri, logé, etc... Dans ce cas, en gros, R=S et il n'y a pas de bug. Ce bon vieux trux a bien dû fonctionner 20.000 ans, soit un peu plus longtemps que le Nasdaq...

Il convient aussi de ne pas oublier ce qui est la condition première de toute "création de richesse", comme disent les winners façon 80's : la disponibilité de ressources, énergie, etc..., renouvelables ou pas, dans lesquelles on peut puiser joyeusement. Je ne m'étendrai pas là-dessus : c'est de toutes manières la condition d'existence de tout système organisé, capitaliste ou pas, et je suggère à ceux qui en douteraient de se renseigner sur le 2ème principe de la thermodynamique (lequel pose, d'ailleurs, que de ressources renouvelables il n'est point).
On ne peut donc pas faire autrement que pomper dans le réservoir (se modérer, si, mais çà s'arrête là), sauf à considérer le suicide collectif comme un mode de gouvernance, et ce n'en déplaise aux tenants de l'écologie radicale !

Quand je vous disais que le capitalisme c'était pas compliqué : vous voyez bien...
En attendant, n'oubliez pas de rembourser votre prochaine échéance de prêt !