Aujourd'hui, toute la presse française se congratule de la création d'un nouveau laboratoire commun Inria-Microsoft, célébré comme une avancée majeure en terme de collaboration recherche/industrie, ainsi qu'une preuve du dynamisme scientifique français.

Il est à craindre que cette initiative soit au contraire bien éloignée de ce dont la société civile a besoin, tant en termes d'indépendance technologique et de libre accès à l'information publique, qu'en terme d'échange et de transmission du savoir.

Certes, la position de l'Inria a toujours été contrastée dans ce domaine - voir par exemple sa politique de "valorisation", faisant la part belle aux brevets logiciels, et son retard à l'allumage patent vis-à-vis de l'open-source et de la mutation sociologique qu'il sous-tend. Rien de nouveau, donc, pour ceux qui connaissent l'institut

Certes, l'Inria est aussi traversée de courants multiples, et a aussi besoin de la caution morale apportée par des initiatives comme le W3C ou plus récemment ObjectWeb - parfois à son corps défendant, ou sans avoir pris toute la mesure des enjeux, mais on ne peut dénier à l'institut une certaine contribution au sens de l'histoire.

Pourtant, cette fois-ci, la ligne jaune semble avoir été franchie.

Sommes nous si affaiblis que nous ayons besoin, pour préserver la crédibilité (ou pire, la pérennité ?) d'un fleuron de notre Recherche Nationale, de l'associer à un éditeur Américain dont une bonne partie de nos institutions sont déjà peu ou prou dépendantes ?

Ou au contraire, nous croyons-nous si puissants que nous pourrions amener Microsoft à amender sa position, et agir d'abord pour l'intérêt général et la prospérité Européenne ?

Enfin, un citoyen peut-il être fier que l'argent des contribuables soit dépensé à promouvoir ce type d'initiative ? (dans Inria, il y a INR, soit "Institut National de Recherche" - et quand bien même ce serait "Institut Européen de Recherche", nous nous tromperions encore d'objectif).

Aujourd'hui, nous voilà si démunis que nous déposons l'Inria en gage, comme l'ultime bijou d'une noble famille désargentée... Aujourd'hui, c'est clair, l'Inria est à vendre.