Par Henri Laborit, bien sûr. Le genre de livre un peu oublié au fond des (bonnes) bibliothèques, et dont le dépoussiérage peut amener son lot de bonnes surprises...

Laborit, neuro-biologiste, prend nos vieilles pulsions comme base de son analyse : notre but d'êtres vivants, c'est de préserver notre structure (par exemple, en se procurant de la nourriture, en évitant de reproduire les expériences malheureuses, etc...)
Le problème, c'est que nous partageons notre niche écologique avec d'autres individus, mus par les mêmes motivations : nous sommes donc en situation de concurrence.

S'ensuit l'élaboration d'une structure de dominance, devenue au gré de l'évolution une "échelle sociale" et une organisation de plus en plus normative, donc aliénante : assouvir pleinement nos pulsions dans le cadre de l'ordre social est impossible.
Car au fond, rien n'a changé : nos pulsions restent les déterminants de nos décisions (Laborit va jusqu'à nier la possibilité d'un choix libre, et donc remet en cause l'existence de toute forme de responsabilité).

Rien de nouveau ? Voire. Laborit aborde la sociologie sous l'angle de la biologie et du fonctionnement du système nerveux. Bien vu...

Mais pourquoi "éloge de la fuite" ? Explications...

Face à cet ordre social pesant, l'individu (en tant qu'être vivant) a 3 attitudes possibles : la soumission, la lutte, ou la fuite.

Pour la soumission, inutile de préciser que nous en faisons tous un usage immodéré, ne serait-ce qu'en se levant le matin, en étant poli, en amenant nos enfants à l'école et en respectant la plupart des lois : même le plus noir des anarchistes fait, pour l'essentiel, acte de soumission.

Pour la lutte... Laborit nous démontre facilement son impossibilité :
- Lutter seul est voué à l'échec. Essayez seulement, et la société vous éliminera d'une manière ou d'une autre.
- Lutter en groupe organisé apparaît possible (lutte syndicale ou politique, par exemple). Mais dans ce cas, on s'agrège à une organisation, dans laquelle le modèle classique de dominance ne tarde pas à se mettre en place (rappelez-vous, toujours nos vieilles pulsions).
Autrement dit, on remplace une dominance par une autre : ou encore, lutter contre le modèle de dominance, c'est lutter contre notre propre nature... donc c'est impossible.

Reste la fuite !

Pour Laborit, la fuite se conçoit avant tout dans l'imaginaire. Elle y permet, entre autres, la création, l'art et la science. D'autres fuites étant possibles, chacun devrait pouvoir trouver la sienne...

Quoiqu'il en soit, le seul espace de liberté concevable s'ouvre en regard de la fuite : enseignement fondamental, dont l'épaisse poussière des bibliothèques ne saurait nous tenir longtemps éloignés !