L'intéropérabilité, c'est la capacité qu'ont différents systèmes d'intéragir (inter-opérer, çà dit son nom), d'échanger, de fonctionner et travailler ensemble.
Le problème, généralisable, est particulièrement critique dans le domaine des technologies de l'information.

Et comment obtient-on l'intéropérabilité ? Eh bien, il y a au moins deux méthodes : l'uniformisation du monde, ou l'adoption de standards ouverts.

La première méthode est simple : tout le monde utilise le même logiciel, protocole, format, etc... Les mauvaises langues diront que ce n'est pas de l'intér-opérabilité mais de la "self"-opérabilité : certes. Mais la méthode a d'autres travers : outre une certaine fragilité (cf. la biodiversité : plus elle est réduite, plus une attaque risque de détruire tout l'écosystème) et le risque d'appropriation par une firme privée ou un lobby, elle nécessite sutout une uniformisation de la culture et des pratiques, laquelle ne peut être obtenue que par un contrôle strict et régalien, assorti de sanctions fermes.

Autrement dit, la "self-opérabilité" ne peut être obtenue que par la dictature.

A l'opposé, les standards ouverts garantissent que les données et les protocoles, publics et d'accès libre, peuvent être mis en oeuvre, exploités ou étudiés par tous (ce qui favorise, au passage, l'accès de tous au savoir, ainsi que les logiciels open-source).
Leur évolution ne peut se faire que de manière collégiale, via des structures démocratiques prenant en compte l'avis des utilisateurs et de toute personne ou organisation intéressée.

Autrement dit, les standards ouverts, c'est une forme de démocratie décentralisée (leur établissement étant le fait, par exemple, de consortiums, organismes publics ou associations à processus de décision ouvert).

De récents travaux financés par l'Europe font état de voies intermédiaires : il existerait un "continuum" entre l'ouverture totale et la fermeture totale, au long duquel il serait légitime de se positionner (cf. un récent article de Glyn Moody sur ComputerWorld UK, que j'ai accessoirement traduit en français ici, et qui détaille les croustillants travaux de l'IDABC).

C'est presque aussi absurde que de déclarer qu'il existerait un "continuum" entre la dictature et la démocratie au long duquel les états devraient se positionner, mais passons... En ce qui concerne l'intéropérabilité, se positionner librement entre l'ouverture et la fermeture, çà revient à entériner le système actuel, lequel est tout sauf intéropérable, justement parce que chacun fait un choix différent du voisin.

Ce qui démontre que l'intéropérabilité est impossible sans une forme de "contrôle politique" : ou, pour parler comme un économiste, qu'il n'y a pas de "main invisible" qui ferait tendre le système vers l'intéropérabilité.

Et le "contrôle politique", ici comme ailleurs, c'est soit la dictature, soit la démocratie. Camarade, choisis ton camp...


P.S. Cette réflexion a été nourrie par une analyse économique de Jacques Sapir, à propos de la théorie de l'équilibre général de Walras, dont il démontre qu'elle ne peut s'appliquer réellement sans un contrôle politique, de forme soit totalitaire, soit démocratique, mais proche de ceux décrits ici : cf. "Les trous noirs de la science économique : essai sur l'impossibilité de penser le temps et l'argent" (Seuil / points économie, 2003)